Un groupe de trois professionnels discutant autour d'un ordinateur portable.

Le salarié peut-il obtenir la communication de ses courriels professionnels ?

Un salarié est fondé à demander à son employeur la communication de l’ensemble de ses courriels professionnels.

Cet article a été rédigé par Guillaume Talneau, Senior Manager au sein de l’équipe droit social d’EY Société d’Avocats.

Par un arrêt du 18 juin 2025, la Cour de cassation confirme qu’un salarié peut demander à son employeur la communication de l’ensemble des courriels émis ou reçus via sa messagerie professionnelle, au titre de son droit d’accès prévu à l’article 15 du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données, texte règlementaire encadrant le traitement des données personnelles au sein de l’Union Européenne). Ces courriels sont considérés comme des données à caractère personnel dès lors qu’ils permettent d’identifier directement ou indirectement une personne physique.

En l’occurrence, dans cette affaire, un salarié licencié avait sollicité de son ancien employeur la communication de son dossier personnel ainsi que l’ensemble des courriels échangés durant l’exécution de son contrat de travail. L’employeur s’était limité à transmettre les documents contractuels et de fin de contrat, ainsi que ceux relatifs à la santé (arrêts de travail) et à la rémunération (bulletins de paie, RIB), sans fournir les courriels demandés ni justifier ce refus.
La cour d’appel a condamné l’employeur à verser 500 € de dommages-intérêts pour non-respect du droit d’accès aux données personnelles. L’employeur s’est pourvu en cassation, soutenant que les courriels professionnels ne constituent pas des données à caractère personnel et que le droit d’accès garanti par le RGPD ne vise que les données contenues dans les documents, et non les documents eux-mêmes.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur et jugé que les courriels émis ou reçus par le salarié grâce à sa messagerie électronique professionnelle sont des données à caractère personnel au sens du RGPD. Le salarié a donc le droit d’accéder à ces courriels, l’employeur devant lui fournir tant les métadonnées (horodatage, destinataires) que leur contenu, sauf si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte aux droits et libertés d’autrui. Cette limite permet à l’employeur d’opposer, par exemple, le secret des affaires ou la protection de la vie privée des tiers mentionnés dans les courriels. En l’espèce, l’absence de justification de l’employeur a été jugée fautive, et la condamnation à verser 500 € de dommages-intérêts au salarié a été confirmée.

Cette décision illustre une position maximaliste de la Cour de cassation en faveur du droit d’accès des salariés à l’intégralité de ses courriels professionnels échangés dans le cadre de la relation de travail, qui, ce faisant, s’aligne celle de la CNIL dans sa note du 5 janvier 2022 et s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence européenne. Si ce droit peut paraître difficile à gérer pour les employeurs en pratique, notamment en raison du volume de courriels à traiter ou de la sensibilité des échanges, il peut également permettre à un salarié d’alimenter un éventuel contentieux prud’homal contre son ancien employeur en lui fournissant des éléments de preuve considérables.

En outre, le caractère modique de la sanction en l’espèce (500 € de dommages-intérêts) n’exclut pas des conséquences plus lourdes en cas de manquements répétés ou de litiges plus complexes.

Il est donc essentiel que les sociétés envisagent la mise en place de procédures de traitement des demandes d’accès aux données personnelles, ainsi que des cas de refus éventuels dûment circonstanciés, notamment en cas d’atteinte au secret des affaires ou à la vie privée des tiers mentionnés dans les courriels. 

Ce qu'il faut retenir

La Cour de cassation confirme que les salariés ont le droit de demander à leurs employeurs la communication de tous les courriels professionnels échangés durant la relation de travail, conformément au RGPD, dans la mesure où ils contiennent des données personnelles. Cet arrêt souligne l'importance pour les entreprises d'établir des procédures claires pour traiter de telles demandes et, le cas échéant, pouvoir justifier une restriction à cette communication.




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