Alors que les décisions de la Cour de cassation en matière d’épargne salariale ne sont pas pléthore, un arrêt récent rendu au sujet du reliquat de participation, quoiqu’inédit, vient apporter une confirmation et une précision intéressantes (Cass soc, 25 juin 2025, n°24-11.790).
Résumé de la décision
85 salariés ayant quitté l’entreprise dans le cadre d’un plan de départs volontaires reprochaient à l’employeur de ne pas leur avoir versé le reliquat de la Réserve Spéciale de Participation (ou « RSP ») 2016. À la fin de l’année 2017, ils ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de la société au paiement du solde de la RSP au titre de l’exercice 2016.
Ils soutenaient que les sommes excédant le plafond annuel individuel n’ayant pas pu être distribuées immédiatement devaient rester dans la réserve pour être attribuées exclusivement aux salariés de l’exercice concerné, même après leur départ, lors des exercices ultérieurs.
La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 20 décembre 2023, jugea que les bénéficiaires du reliquat de la RSP de l’exercice 2016, après répartition jusqu’à l’atteinte du plafond individuel, étaient les bénéficiaires de la réserve des exercices ultérieurs (2017, etc.), conformément aux dispositions d’ordre public du Code du travail. En conséquence, elle débouta les salariés de leur demande de paiement du reliquat de l’exercice 2016 puisqu’ils avaient quitté l’entreprise lors des distributions suivantes.
La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel. Elle rappelle que les articles L. 3324-5, L. 3324-6, L. 3324-7 et D. 3324-12 du Code du travail sont d’ordre public absolu, ce qui implique que le plafond de répartition individuelle ne peut être dépassé, même par accord. Les sommes non distribuées pour dépassement du plafond demeurent dans la réserve spéciale de participation et sont réparties lors des exercices ultérieurs entre les salariés présents à ce moment-là, sans que le versement soit réservé aux seuls salariés présents lors de l’exercice générateur du reliquat.
Reliquat de participation : une obligation de distribution
Revenons d’abord sur les principes relatifs au reliquat de participation, posés à l’Article L.3324-7 du Code du travail, selon lequel :
- Les sommes de la réserve spéciale de participation qui n’ont pas pu être distribuées en raison des règles de répartition (en particulier, du fait de l’atteinte du plafond de répartition individuel établi à 75% du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale[1]) font l'objet d'une répartition immédiate entre tous les bénéficiaires n'ayant pas atteint ledit plafond ;
- Ce plafond ne peut pas être dépassé du fait de cette répartition supplémentaire ;
- Les sommes qui n’ont pas pu être mises en distribution demeurent dans la réserve spéciale de participation pour être réparties au cours des exercices ultérieurs.
L’Administration précise en outre, dans le Guide de l’épargne salariale de juillet 2014 (Fiche 4 – répartition de la RSP)[2] que :
- La nouvelle répartition se fait selon les mêmes modalités que la répartition initiale (c’est-à-dire la répartition prévue par l’accord) ;
- En aucun cas le plafond individuel ne peut être dépassé du fait de la répartition supplémentaire ;
- Si des sommes subsistent encore après cette deuxième répartition, il est procédé à une nouvelle répartition entre tous les salariés n’ayant pas atteint le plafond, « et ainsi de suite » ;
- Si un reliquat subsiste encore alors que tous les bénéficiaires ont atteint le plafond individuel, il demeure dans la réserve spéciale de participation des salariés et sera réparti au cours des exercices ultérieurs.
Ainsi, le mécanisme légal organise la redistribution immédiate du reliquat de participation non distribué du fait du plafond individuel de 75 % du PASS aux seuls bénéficiaires n’ayant pas atteint ce plafond, selon les mêmes modalités, avec itérations possibles jusqu’à épuisement, puis report en réserve si tous les bénéficiaires ont atteint le plafond - y compris d’ailleurs pour des exercices ultérieurs déficitaires, ainsi que l’a confirmé le Conseil d’Etat[3].
Deux enseignements principaux se dégagent de la décision de la Cour de cassation de juin 2025 ici étudiée :
- Le premier est une confirmation du caractère d’ordre public absolu des dispositions relatives à la participation ;
- Le second constitue une prise de position de la Cour de cassation quant aux bénéficiaires d’un reliquat de participation.
Participation : ordre public absolu
Dans l’arrêt du 25 juin 2025, la Cour de cassation vient réaffirmer que les « dispositions légales et réglementaires relatives à la participation obligatoire des salariés aux résultats de l'entreprise qui vise à la constitution d'une épargne salariale et à son orientation vers un secteur déterminé de l'économie nationale étant d'ordre public absolu ».
Il s’agit là d’une confirmation d’un principe déjà établi par la Cour de cassation dans des jurisprudences passées[4].
En même temps que cette confirmation, l’arrêt apporte un éclairage quant aux bénéficiaires du reliquat de la participation.
Les bénéficiaires du reliquat de participation
Si l’obligation de distribution du reliquat de participation est expressément établie, la question des bénéficiaires du versement dudit reliquat au fil des exercices n’est pas expressément tranchée par les textes.
La Cour d’appel de Versailles avait récemment considéré, dans un arrêt de janvier 2025, que « le maximum de participation autorisé par la loi par salarié était atteint de sorte qu'un reliquat de réserve spéciale de participation existait (…), laquelle serait répartie au cours des exercices ultérieurs aux seuls salariés encore présents au sein de la société »[5].
C’est également la position de la Cour de cassation, dont l’arrêt du 25 juin 2025 vient clairement établir que les salariés bénéficiaires des distributions du reliquat de participation lors des exercices ultérieurs sont les salariés présents lors desdits exercices ultérieurs, et non les salariés présents lors de l’exercice au titre duquel le reliquat a été dégagé.
Ceci, sans qu’il soit porté atteinte à la finalité de la participation, puisque le montant des droits à participation des salariés distribués au titre de l’exercice [2016] avait été totalement rempli dans la limite du plafond applicable.