Cet article a été co-rédigé avec Diane-Valérie Bilala, Manager au sein de l’équipe Droit Social d'EY Société d'Avocats.
Lors de la pandémie de Covid-19 entre mars 2020 et 2022, le télétravail s’est développé et a créé une certaine distorsion entre les travailleurs sur site et les télétravailleurs, notamment sur l’octroi des titres restaurant.
Le 20 mars 2020, puis le 27 avril 2021, le Ministère du travail dans un questions/réponses (sans valeur contraignante) s’était prononcé en faveur de l’octroi des titres restaurant aux télétravailleurs.
Le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) indiquait également que « les salariés en situation de télétravail doivent bénéficier de titres-restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à celles des autres salariés de leur entreprise travaillant sur site et ne disposant pas d’un restaurant d’entreprise. Ainsi, si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite » (Avantages en nature, n° 170).
Malgré ces précisions, dans différentes affaires initiées lors de la pandémie de Covid-19, la question de l’octroi des titres restaurant aux télétravailleurs a divisé les juges de fond.
Le tribunal judiciaire de Nanterre a jugé le 10 mars 2021 (n°20-09616), que les télétravailleurs en l’absence de surcoût lié à la restauration hors de leur domicile, ne pouvaient prétendre à des titres restaurant, leur situation n’étant pas comparable à celle des salariés travaillant sur site, qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise.
A l’inverse, le tribunal judiciaire de Paris a jugé, le 30 mars 2021 (n°20-09805), en s’appuyant sur le principe d’égalité de traitement posé par l’article L. 1222-9 du Code du travail, qu’un employeur ne peut priver ses salariés en télétravail du bénéfice des titres restaurant, dès lors qu’ils sont placés dans la même situation, au regard des conditions d’utilisation de ces titres, que les salariés présents sur site et qui en bénéficient.
Dans deux décisions rendues le 8 octobre 2025, la Cour de cassation a enfin tranché et a ainsi jugé que les télétravailleurs ont droit aux titres restaurants dans les mêmes conditions que les salariés physiquement présents sur site.
La Cour de cassation confirme et rappelle :
- qu’aux termes de l’article L. 1222-9, III, alinéa 1er, du Code du travail, « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».
- que selon l’article L. 3262-1, alinéa 1er, « le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté » auprès de certains magasins d’alimentation.
- qu’aux termes de l’article R. 3262-7, « un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier ».
Il en résulte que « l’employeur ne peut refuser l’octroi de cet avantage à des salariés au seul motif qu’ils exercent leur activité en télétravail ».
Cependant, la Cour de cassation laisse entendre qu'il est possible de déroger au principe d’égalité de traitement, à condition « que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables ». Il faudra attendre des décisions ultérieures pour en avoir des illustrations.
Les décisions de la Cour de cassation apportent une sécurité juridique et harmonisent les pratiques des entreprises. En effet, le télétravail reste un enjeu pour les employeurs dans la mesure où des incertitudes demeurent, notamment sur les conditions d’un recours accru au présentiel tout en gardant en partie le travail à distance (cf notre article).