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Retour d’expérience sur les opérations de « carve out » dans le secteur des Life Sciences

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Comment sécuriser la valeur attendue des carve out ou spin off dans les secteurs réglementés ?

Le secteur des Life Sciences connait un grand nombre d’opérations de carve out ou de spin off par lesquelles les entreprises recentrent leurs activités.

Le chantier réglementaire est stratégique dans ces opérations car, sans les autorisations de mises sur le marché ou les enregistrements produits (les « AMM ») ou encore les permis nécessaires, l’acquéreur ne pourra pas enregistrer le chiffre d’affaires de l’activité transférée.

Dans cet article, l’équipe Life Sciences partage un retour d’expérience des projets menés aux côtés des équipes réglementaires d’entreprises du secteur dont les objectifs sont :

  • garantir le périmètre cédé,
  • maximiser le prix de vente, en permettant à l’acquéreur d’enregistrer rapidement les revenus,
  • limiter la durée des contrats de transition souvent problématiques, le vendeur n’ayant plus les équipes ni l’attention pour continuer de supporter les activités de l’acquéreur,
  • éviter, avec la supply chain, toute rupture dans l'approvisionnement des produits aux clients et patients.

Au cours de ces projets, nous avons identifié 9 étapes clefs dont l’essentiel se déroule lors de la planification, en amont de la mise en œuvre.

Etape 1 : Identifier les actifs régulés figurant dans le périmètre de l'activité cédée.

Stabiliser la liste des produits dans le champ de la cession :

  • Identifier les produits, les AMM et les pays entrant dans le périmètre du transfert, en vérifiant :
    • Les pays exclus du périmètre, parce qu’ils réalisent des ventes non significatives,
    • Les produits hors champ de l’opération ou qui nécessitent une attention particulière :
      • Produits à risques trop importants, qui pèseraient sur le prix
      • Produits dont les droits appartiennent à un tiers qui devra donner son accord sur le transfert
      • Produits dont le vendeur souhaite conserver les droits pour un usage autre que celui faisant l’objet de la cession etc.
    • Les produits dits dormants, qui ne génèrent plus de ventes depuis un certain nombre d’années.

TIP 1 : Vérifier que la base centrale de données réglementaires est bien à jour pour partir d’une base stable.

TIP 2 : Identifier, au-delà des informations réglementaires, les autres informations nécessaires au projet pour ne pas démultiplier les efforts en aval :

  • Données réglementaires : pays, nom commercial du produit, type de produit, numéro d’AMM, principes actifs, nom du titulaire et identifiant dans l’ERP, identifiant unique du produit utilisé par le règlementaire, etc.
  • Autres données qui vont impacter la stratégie de transfert, comme par exemple : titulaire des droits, entités en charge de la commercialisation (vendeur ou tiers) …
  • Surtout, dès que possible : identifiant pivot permettant de faire le lien avec les SKUs qui sont les données de référence de la Supply Chain.

Etape 2 : Identifier les autres évènements qui vont impacter le chantier réglementaire.

Intégrer, très en amont du projet, les autres éléments de structuration du carve out ou du spin off, notamment :

  • Pays dans lesquels l’acquéreur aura des entités juridiques et pays qui changeront de modèle,
  • Confirmation de l’identité des activités exercées par les nouvelles entités juridiques dites Newcos (notamment si les anciennes entités juridiques, dites Remaincos, avaient des activités de fabrication, même limitées),
  • Délais pour créer les nouvelles entités et obtenir les numéros fiscaux (TVA en particulier),
  • Date à laquelle la nouvelle dénomination sociale des Newcos sera connue,
  • Nouveau nom de marque des produits et calendrier du rebranding,
  • Changement dans les sites de fabrication ou dans les sites logistiques.

TIP 3 : Il est assez fréquent de vouloir alléger le modèle opératoire ; on parle alors d’un modèle « asset light ». Ce changement de modèle génère des impacts réglementaires majeurs qui doivent être anticipés pour pouvoir construire, avec la Supply Chain, les nouveaux flux physiques et avec les équipes fiscales, les nouveaux flux de facturation.

TIP 4 : il faut mapper très en amont les flux physiques et les flux de facturation des produits, avant/après. Le simple changement d’entité de facturation peut entrainer un changement dans le dossier réglementaire dans certains pays (notamment en Asie) ; pour certains produits, seul le titulaire de l’AMM étranger peut facturer l’importateur etc.

Etape 3 : Identifier les délais pour transférer les actifs régulés.

Mobiliser les équipes locales, ou alors un conseil avec l’expérience nécessaire des délais constatés en pratique (plutôt que des délais théoriques) et qui dispose d’outils de modélisation, pour identifier :

  • Les délais pour transférer les AMM,
  • Les périodes dites « selling-out period », « grace period » et « import ban »,
  • L’existence de contraintes réglementaires locales pouvant retarder le point de départ des délais de transfert, comme par exemple, l’impossibilité de transférer un dossier d’AMM aboutissant à la nécessité de déposer un nouveau dossier.

TIP 5 : il faut bien expliquer à quoi correspond chacune des périodes car les équipes réglementaires et Supply Chain ne parlent pas toujours le même langage :

  • Selling-out period : période pendant laquelle un produit déjà mis sur le marché peut encore être vendu aux clients,
  • Grace period : période pendant laquelle un produit fabriqué avec l’ancien label peut encore être mis sur le marché, voire période pendant laquelle un produit peut encore être fabriqué avec l’ancien label,
  • Import ban : risque de voir un produit avec l’ancien label bloqué à l’importation (parfois par les douanes, pas par les autorités réglementaires) en cas d’écart entre les informations figurant sur le label des produits importés et l’AMM local.

Etape 4 : Identifier les permis requis afin que l’acquéreur puisse enregistrer le chiffre d’affaires

Mettre en place une coordination cross-fonctionnelle entre toutes les équipes en charge du sujet permis : équipes réglementaires (si applicable), département juridique, trade compliance etc. pour obtenir les informations suivantes :

  • Type de permis, autorité émettrice, délais d’obtention et date à laquelle la demande de permis peut être effectuée (avant ou simultanément au dépôt de demande de transfert ou après l’approbation du transfert),
  • Permis nécessaire pour permettre à Newco :
    • D’importer et/ou de vendre les produits
    • De stocker des produits ou de détenir des stocks dans des entrepôts de tiers.

TIP 6 : cette étape est souvent très complexe car il est rare de trouver une seule personne en charge du sujet permis dans l’entreprise. Il faut donc mettre en place ici une gestion de projet cross-fonctionnelle systématique.

Etape 5 : Préparer le Plan de Transfert Réglementaire.

Intégrer l’ensemble des informations et des contraintes du projet (en particulier de la Supply Chain) pour identifier, pour chaque actif :

  • La date de soumission à respecter par les équipes réglementaires locales,
  • La date d’approbation estimative qui va dépendre des autorités,

et ce en exploitant les informations collectées en étapes 2, 3 et 4 mais aussi les directives de l’équipe en charge du pilotage du projet.

TIP 7 : Ce RTP doit également prendre en compte les autres contraintes, dans une approche nécessairement cross-fonctionnelle. Par exemple, certains pays exigent par exemple que l’entité juridique soit dument constituée et titulaire d’un numéro de TVA pour pouvoir soumettre les demandes de transferts d’AMM à son profit. De la qualité du RTP et des outils de modélisation dépendront la facilité du suivi.

TIP 8 : Souvent les demandes de transfert se font après le closing. Des clients souhaitent anticiper ces demandes en amont du closing pour raccourcir le temps de la période transitoire et permettre à l’acquéreur d’enregistrer son chiffre d’affaires plus rapidement. Cette option nécessite de démarrer la planification en amont même du signing, une bonne pratique dans les opérations réussies.

Etape 6 : Déterminer les modèles transitoires qui doivent être mis en place.

Comparer les délais nécessaires pour transférer les AMM et obtenir les permis avec la date de réalisation de l’opération.

Si, pour un pays, le transfert des AMM et l’obtention des permis ne peuvent être finalisés à la date de réalisation de l’opération, l’acquéreur ne sera pas propriétaire des actifs réglementaires à cette date : un modèle transitoire devra être mis en place.

En fonction des contraintes locales, le vendeur restera en charge après la date de réalisation de l’opération :

  • D’importer et de vendre les produits localement, ou
  • Seulement d’importer les produits, l’acquéreur pouvant distribuer les produits localement.

TIP 9 : La préparation des modèles transitoires nécessite une compréhension fine des enjeux réglementaires à mettre en regard des contraintes de la Supply Chain, mais aussi des équipes fiscales et juridiques. C’est une étape clef de tout carve out ou de spin off souvent sous-estimée techniquement. Elle doit être modélisée pour pouvoir ensuite analyser rapidement les impacts en cas de retard des autorités.

Etape 7 : Identifier les schémas contractuels à mettre en place pour les modèles transitoires.

Traduire les modèles transitoires en contrats :

  • Elaborer les modèles de contrats nécessaires pour mettre en œuvre les différents modèles transitoires, en définissant les obligations respectives du vendeur et de l’acquéreur pendant la période de transition,
  • Ensuite, adapter les modèles à chacun des pays nécessitant un modèle transitoire,
  • En tirer les conséquences sur le sort des contrats clients et fournisseurs.

TIP 10 : ces modèles doivent être soit rédigés soit à minima revus par l’équipe qui a mis en place le cadre des modèles transitoires. En outre, le fonctionnement opérationnel de ces modèles (du bon de commande jusqu’à l’encaissement, en passant bien entendu par la comptabilisation des opérations) doit être explicité, étape par étape, auprès des équipes « cédées » et restantes.

Etape 8 : Définir les processus pour préparer les soumissions.

Mettre en place un processus ad hoc pour permettre aux équipes réglementaires locales de savoir :

  • Qui est en charge de soumettre les dossiers,
  • Auprès de qui obtenir les éléments à inclure dans le dossier,
  • Auprès de qui obtenir le feu vert pour soumettre le dossier.

TIP 11 : La question de la notarisation de certains documents doit être traitée le plus en amont possible et si possible centralisée sur quelques personnes expertes.

Etape 9 : Suivre les progrès dans la réalisation des transferts.

Permettre au vendeur et à l’acquéreur de contrôler l’état d’avancement des transferts/de l’obtention des permis en :

  • Mettant en place une gouvernance claire pré et post-closing,
  • Utilisant le RTP pour générer des rapports automatisés comparant le planning au réalisé,
  • Identifiant, en cas de retard dans les soumissions, les transferts ou les obtentions des permis, les impacts sur les modèles transitoires.

TIP 12 : il s’agit ici de mobiliser les fonctionnalités des outils utilisés pour préparer le RTP pour générer des rapports automatiques mais aussi de recalculer l’impact des retards sur la possibilité pour l’acquéreur d’enregistrer le chiffre d’affaires.

Ce qu'il faut retenir

Le chantier réglementaire des opérations de carve out ou de spin off est un chantier stratégique. Bien mené, il maximise la valeur de l’activité cédée en sécurisant la transmission des actifs, et raccourcit les délais transitoires et pour un enregistrement rapide du chiffre d’affaires par l’acquéreur.