Avec la multiplication des « produits frontières », comment correctement qualifier un produit de santé en droit de l’UE ?
En 2004, l’Union européenne a introduit la notion de « produits frontières » dans le droit de l’UE. Ce sont des produits pour lesquels il existe un doute sur leur statut réglementaire et donc sur la législation applicable.
Par exemple, une crème anti-rides peut être considérée à la fois comme un produit cosmétique et comme un médicament puisqu’elle modifie des fonctions physiologiques.
La directive 2001/83/CE pose le principe de primauté en cas de conflit de qualification (le « principe de primauté ») : « [e]n cas de doute, lorsqu’un produit, compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, peut relever à la fois de la définition du médicament et de celle d’un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la directive 2001/83/CE s’appliquent. »
Ce principe de primauté a été codifié en droit français à l’article L5111-1 du Code de la santé publique, alinéa III : « [l]orsqu’un produit, compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, peut relever à la fois de la définition du médicament […] et de celle d’autres catégories de produits régis par le droit européen ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. »
Par conséquent, et comme indiqué par la Cour de justice de l’Union européenne le 4 septembre 2025 :
- Si un produit relève clairement de la définition du médicament et qu’il n’y a aucun doute qu’il pourrait aussi relever d’une autre catégorie de produits réglementés par le droit de l’UE, alors le principe de primauté ne s’applique pas et la réglementation pharmaceutique doit s’appliquer ;
- Si le produit remplit clairement les conditions pour être qualifié de médicament mais qu’il existe un doute sur le fait qu’il pourrait aussi relever d’autres catégories de produits réglementés par le droit de l’UE, le principe de primauté s’applique et la réglementation pharmaceutique doit alors s’appliquer ;
- Si un produit relève clairement de la définition d’une catégorie de produits réglementés autre que celle de médicament, alors le principe de primauté ne s’applique pas et la réglementation pharmaceutique ne s’applique pas.
La Cour de justice de l’Union européenne conclut donc qu’il appartient à l’autorité compétente en matière de médicaments de décider des mesures applicables à un produit initialement commercialisé comme denrée alimentaire à des fins médicales spéciales mais qui pourrait être qualifié de médicament par présentation, notamment lorsque, dans un État membre, deux autorités différentes sont légalement compétentes pour contrôler chacune un type de produit. Dans ce cas, si une autorité considère qu’un produit soumis à une procédure devant elle répond à la définition du médicament, elle doit en informer l’autorité compétente en matière de médicaments.
Nos recommandations concernant vos produits
- Avant tout développement et lancement, réaliser une analyse juridique pour correctement qualifier les produits ; en cas de produits frontières, analyser toutes les qualifications éventuelles et les questions réglementaires.
- Revoir régulièrement votre portefeuille pour assurer la conformité de vos produits à la qualification donnée et à l’évolution rapide du cadre réglementaire. En particulier, la qualification de vos produits peut évoluer avec le cadre réglementaire applicable ; pour plus d’informations, et notamment la requalification de dispositifs médicaux en médicaments, voir l’article suivant : Avez-vous dans votre portefeuille des dispositifs médicaux qui risquent d’être requalifiés en médicaments ? | EY Société d'Avocats