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Pourquoi et comment correctement qualifier un produit de santé ?

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La Cour de justice de l’Union européenne apporte un éclairage en matière de qualification des produits de santé.


Au sommaire :

  • Quels sont les types de produits de santé réglementés au niveau européen ?
  • Comment correctement qualifier un produit ?
  • Quelles recommandations ?

Un nouvel éclairage de la Cour de justice de l’Union européenne

Le 4 septembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a clarifié les conditions d’application du principe de primauté du statut de médicament sur les autres catégories de produits réglementés par le droit de l’Union européenne. Elle a indiqué que les autorités en charge de la police des denrées alimentaires ne sont pas compétentes pour interdire des produits commercialisés comme denrées alimentaires à des fins médicales spéciales s’ils répondent à la définition d’un médicament.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure :

  • Décision du 13 mars 2024, qui rappelle qu’en cas de doute sur la qualification d’un produit (médicament vs autre produit), la priorité doit être donnée à la qualification de médicament.
  • Décision du 19 janvier 2023, qui considère qu’il appartient au fabricant d’un dispositif médical de démontrer que le produit ne répond pas à la définition fonctionnelle d’un médicament, et qu’en l’absence de connaissances scientifiques, il revient aux juridictions nationales d’apprécier si les conditions relatives aux médicaments par présentation sont réunies.

Aujourd’hui, la récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne est l’occasion de revoir les différentes catégories de produits réglementés au niveau de l’UE et leur statut réglementaire. En particulier, et compte tenu de l’augmentation des « produits frontières », il est crucial de correctement qualifier les produits au regard des conséquences juridiques, réglementaires, commerciales, pénales et fiscales que cette qualification peut entraîner.

Panorama des principales catégories de produits réglementés dans l’Union européenne et de leurs régimes applicables

Type de produit et réglementation principale

Définition

Caractéristiques générales du droit de l’UE

Médicaments Directive 2001/83/CE

Médicament par présentation : « toute substance ou combinaison de substances présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines. »

Médicament par fonction : « toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d'établir un diagnostic médical »

Réglementation stricte : autorisation de mise sur le marché requise, prix et publicité réglementés, surveillance post-commercialisation, exigences spécifiques d’étiquetage, relations encadrées avec les professionnels de santé.

Denrées alimentaires Règlement 178/2002

Toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par l’homme.

Respect des exigences d’hygiène, des normes sur les contaminants, ingrédients, additifs et étiquetage. Pas d’autorisation de mise sur le marché requise.

Nouveaux aliments Règlement 2015/2283

Aliment qui n’a pas été consommé de manière significative dans l’UE avant le 15 mai 1997 et qui présente au moins une spécificité listée par le règlement (ex : composé de champignons ou d’algues).

Autorisation préalable requise, respect des conditions d’utilisation, étiquetage et spécifications (identification des opérateurs, nutrivigilance).

Compléments alimentaires Directive 2002/46/CE

Denrées destinées à compléter le régime alimentaire normal, sources concentrées de nutriments ou d’autres substances à effet nutritionnel ou physiologique, commercialisées sous forme de doses.

Réglementation spécifique (notification de l’étiquette aux autorités nationales avant commercialisation, étiquetage, publicité, allégations, composition). Obligations générales du droit alimentaire (sécurité, conformité, traçabilité).

Produits cosmétiques Règlement 1223/2009

Toute substance ou mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain ou les dents et muqueuses buccales, en vue de les nettoyer, parfumer, modifier leur aspect, protéger, maintenir en bon état ou corriger les odeurs corporelles.

Respect des exigences de sécurité, conformité à la composition, fabrication, étiquetage, notification à la Commission européenne. Pas d’autorisation préalable requise.

Denrées alimentaires à des fins médicales spéciales Règlement 609/2013

Denrée alimentaire spécialement traitée ou formulée pour répondre aux besoins nutritionnels de patients, utilisée sous contrôle médical.

Respect des exigences de composition et d’étiquetage. Notification à l’autorité compétente requise.

Dispositifs médicaux Règlement 2017/745

Tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matériau ou autre article destiné à des fins médicales spécifiques (diagnostic, prévention, traitement, etc.), dont l’action principale n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques.

Certification obligatoire (marquage CE) et identifiant unique.

Avec la multiplication des « produits frontières », comment correctement qualifier un produit de santé en droit de l’UE ?

En 2004, l’Union européenne a introduit la notion de « produits frontières » dans le droit de l’UE. Ce sont des produits pour lesquels il existe un doute sur leur statut réglementaire et donc sur la législation applicable.

Par exemple, une crème anti-rides peut être considérée à la fois comme un produit cosmétique et comme un médicament puisqu’elle modifie des fonctions physiologiques.

La directive 2001/83/CE pose le principe de primauté en cas de conflit de qualification (le « principe de primauté ») : « [e]n cas de doute, lorsqu’un produit, compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, peut relever à la fois de la définition du médicament et de celle d’un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la directive 2001/83/CE s’appliquent. »

Ce principe de primauté a été codifié en droit français à l’article L5111-1 du Code de la santé publique, alinéa III : « [l]orsqu’un produit, compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, peut relever à la fois de la définition du médicament […] et de celle d’autres catégories de produits régis par le droit européen ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. »

Par conséquent, et comme indiqué par la Cour de justice de l’Union européenne le 4 septembre 2025 :

  • Si un produit relève clairement de la définition du médicament et qu’il n’y a aucun doute qu’il pourrait aussi relever d’une autre catégorie de produits réglementés par le droit de l’UE, alors le principe de primauté ne s’applique pas et la réglementation pharmaceutique doit s’appliquer ;
  • Si le produit remplit clairement les conditions pour être qualifié de médicament mais qu’il existe un doute sur le fait qu’il pourrait aussi relever d’autres catégories de produits réglementés par le droit de l’UE, le principe de primauté s’applique et la réglementation pharmaceutique doit alors s’appliquer ;
  • Si un produit relève clairement de la définition d’une catégorie de produits réglementés autre que celle de médicament, alors le principe de primauté ne s’applique pas et la réglementation pharmaceutique ne s’applique pas.

La Cour de justice de l’Union européenne conclut donc qu’il appartient à l’autorité compétente en matière de médicaments de décider des mesures applicables à un produit initialement commercialisé comme denrée alimentaire à des fins médicales spéciales mais qui pourrait être qualifié de médicament par présentation, notamment lorsque, dans un État membre, deux autorités différentes sont légalement compétentes pour contrôler chacune un type de produit. Dans ce cas, si une autorité considère qu’un produit soumis à une procédure devant elle répond à la définition du médicament, elle doit en informer l’autorité compétente en matière de médicaments.

Nos recommandations concernant vos produits

  • Avant tout développement et lancement, réaliser une analyse juridique pour correctement qualifier les produits ; en cas de produits frontières, analyser toutes les qualifications éventuelles et les questions réglementaires.
  • Revoir régulièrement votre portefeuille pour assurer la conformité de vos produits à la qualification donnée et à l’évolution rapide du cadre réglementaire. En particulier, la qualification de vos produits peut évoluer avec le cadre réglementaire applicable ; pour plus d’informations, et notamment la requalification de dispositifs médicaux en médicaments, voir l’article suivant : Avez-vous dans votre portefeuille des dispositifs médicaux qui risquent d’être requalifiés en médicaments ? | EY Société d'Avocats

Ce qu'il faut retenir

La qualification d’un produit de santé est clé, en raison des conséquences juridiques, financières, pénales, etc. qu’une telle qualification peut avoir. Par conséquent, il est fondamental de correctement qualifier les produits de santé, conformément au droit de l’Union européenne et aux décisions des juges européens, qui évoluent constamment. 

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