L’ensemble de ces approches, bien que variées dans leur angle d’analyse, aboutissait à des fourchettes de taux proches (entre 8,8 % et 11,3 %), cohérentes avec le taux contractuel de 10 % des OCA que la société estimait ainsi comme représentatif du taux de marché qu’elle aurait pu obtenir auprès d’un prêteur indépendant.
Le point décisif : une appréciation rigoureuse du risque de subordination
Si la cour administrative d’appel de Bordeaux admet la pertinence générale des méthodes utilisées, elle écarte toutefois l’ensemble des analyses pour un motif central : une prise en compte « imparfaite » de la subordination des OCA.
Les OCA étaient en effet subordonnées aux dettes bancaires senior : en cas de difficulté, les banques sont remboursées en premier. Ce rang inférieur justifie en principe une rémunération plus élevée. Mais, dans cette affaire, les dettes senior arrivaient à échéance entre 2022 et 2023, tandis que les OCA n’étaient remboursables qu’en 2030. Pour la cour, une fois les dettes bancaires éteintes, la subordination perdait sa portée et le risque devait donc être apprécié en tenant compte de cet échelonnement. L’absence d’une modélisation précise de cette temporalité conduit, selon la juridiction, à une surestimation du risque et justifie de ne pas retenir les analyses produites par la société.
Une telle analyse est légitime et un échelonnement précis aurait renforcé la robustesse méthodologique des études.
Toutefois, en l’espèce, les OCA demeuraient subordonnées pendant sept à huit ans, une période conséquente et correspondant généralement à la phase de risque maximal (levier initial, volatilité opérationnelle, incertitude sectorielle) : que la subordination cesse ultérieurement n’efface pas le risque significatif supporté sur cette première moitié de vie de l’instrument.
De plus, les caractéristiques des OCA (remboursement in fine, absence de flux intermédiaires de remboursement, capitalisation annuelle des intérêts), accroissaient structurellement la prime de risque, indépendamment de l’évolution future de la dette senior. Ce point n’est toutefois pas traité dans l’arrêt, et l’on ignore si cette dimension a été mise en avant lors les échanges avec l’administration ou la cour.
Enfin, la disparition des dettes senior à partir de 2023 réduit mécaniquement la subordination, mais ne préjuge pas de la structure d’endettement future. Sans affirmer qu’un refinancement interviendrait, il n’est pas rare qu’un groupe recoure à un nouvel endettement senior. Les analyses produites semblaient d’ailleurs intégrer cette dimension en modélisant un risque global de crédit et non une situation figée.
Il convient également de relever que l’arrêt ne discute pas séparément chacune des méthodes présentées par la société. La juridiction se contente de constater que la prise en compte de la subordination n’est pas suffisamment précise pour établir un taux de marché fiable. Or, parmi les approches mobilisées, la subordination n’était explicitement intégrée que dans l’analyse du passif, et possiblement, de manière implicite, dans l’analyse du risque de défaut par tranches de dette. Les autres méthodes - obligations comparables, analyses sectorielles, méthodologie Moody’s, actualisation 2024 - ne semblent pas directement reposer sur cette notion. La cour estime néanmoins que l’insuffisance relevée affecte la démonstration dans son ensemble...
Une application un peu trop automatique taux du 3° du 1 de l’article 39 du CGI ?
Sans surprise, en l’absence selon la cour de preuve suffisante que le taux d’intérêt des OCA correspondait au taux de marché, celle-ci valide la décision de l’administration d’admettre la déduction des intérêts dans la limite du taux « forfaitaire » du 3° du 1 de l’article 39 comme le prévoit l’article 212.
Si l’application de ce taux « forfaitaire » est prévue par l’article 212 en l’absence de preuve d’un taux de pleine concurrence plus élevé, les financements bancaires obtenus par la société, conclus nécessairement dans des conditions de pleine concurrence, ne pouvaient-ils pas constituer un point de référence pertinent dans l’hypothèse où leurs taux – qui ne sont pas précisés dans l’arrêt - seraient plus élevés que celui du 3° du 1 de l’article 39 ? En effet, ces financements expriment la perception réelle du risque de crédit du groupe par des prêteurs indépendants.