Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence dans deux arrêts concernant, d’une part, le droit au report des congés payés en cas de maladie et, d’autre part, le décompte des heures supplémentaires lorsque le salarié est en congés payés (lire notre alerte).
Par ces deux décisions, la jurisprudence de la Cour Suprême française est désormais alignée sur celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), en vertu de la primauté du droit européen.
A la suite de la procédure de manquement ouverte par la Commission européenne et de la mise en en demeure de la France de se conformer au droit communautaire sur le temps de travail dans un délai de deux mois, la Cour de cassation a rendu un arrêt très attendu le 10 septembre 2025.
Selon la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 sur le temps de travail, un congé annuel payé de 4 semaines doit bénéficier aux salariés. De jurisprudence constante, la CJUE estime que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union européenne.
La CJUE a décidé que le salarié placé en arrêt de travail pour maladie pendant ses congés payés peut reporter les jours de congé dont il n'a pas pu bénéficier du fait de sa maladie, dans la limite du congé annuel minimal de quatre semaines (CJUE, 19.11.19, affaire C-609/17).
Par plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en matière de congés payés (lire notre alerte). Elle a jugé contraires au droit de l’Union Européenne, les dispositions du Code du travail ne donnant pas lieu à acquisition de droits à congés en cas d’accident ou de maladie sans caractère professionnel. En effet, le droit de l’Union Européenne, tel qu’interprété par les jurisprudences de la CJUE, exige que les salariés bénéficient de quatre semaines de congés payés au titre d’une année de travail, même s’ils ont connu, au cours de cette année, des périodes d’arrêt maladie. Le droit européen primant sur le droit national, la Cour de cassation en a fait une application directe.
Le Code du travail français a été mis en conformité (article 37 de la loi du 22 avril 2024, dite Loi DDADUE) et le nouvel article L.3141-19-1 du Code du travail dispose que « lorsqu'un salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser » (lire notre alerte).
Dans un arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation opère de nouveau un revirement de jurisprudence par rapport à son arrêt du 4 décembre 1996 (n° 93-44.907) et aligne sa position sur celle de la CJUE dans un arrêt du 21 juin 2012 (C-78/11) pour décider le droit au report des congés payés lorsque le salarié est placé en arrêt maladie durant ses congés payés.
En l’espèce, un employeur a obtenu en justice, la restitution d’un trop perçu d’indemnité de congé payé de l’une de ses salariées. Toutefois, pour en calculer le montant, la cour d’appel n’a pas tenu compte des jours de congés payés, pendant lesquels la salariée était en arrêt de travail pour maladie, ce qui a fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part de l’employeur, rejeté par la Cour Suprême en application du droit européen.
La Cour de cassation a ainsi décidé que « dès lors qu’un salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés payés a notifié à son employeur cet arrêt, il a le droit de les voir reportés ». Elle met le droit français en conformité avec le droit européen, en application du principe de primauté de ce dernier.
La Cour rappelle que les objectifs de ces droits diffèrent, le congé payé visant à offrir repos et loisirs, tandis que le droit au congé de maladie permet au salarié de se rétablir d’une maladie.
Pour bénéficier du report, le salarié doit "notifier" son arrêt de travail à son employeur, précise la Cour dans un communiqué de presse.
Dans l’attente de cette décision, le Ministère du travail avait affirmé que les entreprises « sont déjà censées appliquer » cette règle. Par ailleurs, la Direction générale du travail a indiqué qu’un questions- réponses ne serait pas publié, les articles L.3141-5 (prise en compte des arrêts de travail pour la détermination de la durée du congé), L.3141-19-1 et L.3141-19-2 (droit au report des congés payés en cas d’impossibilité de les prendre pour cause de maladie) du Code du travail, dans leur version issue de la loi DDADUE, s’appliquant « pour tous les arrêts de travail, donc également pour les arrêts survenus pendant les congés payés ».
Cette nouvelle règle oblige donc une fois de plus les employeurs à ajuster leurs pratiques en matière de gestion des congés payés des salariés en arrêt maladie durant leurs vacances. Une analyse des risques RH résultant de ce revirement de jurisprudence parait nécessaire au regard des potentielles demandes de réclamation de salariés concernés à la suite de la large publicité de cette décision dont les médias se sont fait l’écho.