Communiqué de presse
29 oct. 2025 

10 novembre - inégalités salariales : se préparer avant la transposition

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Dans cette note d’analyse de presse, Laurent-Paul Tour, avocat associé en droit social, EY Société d’Avocats partage son analyse sur la nécessité pour les entreprises d’anticiper la transposition de la Directive sur l’égalité et la transparence des rémunérations, ainsi que des recommandations sur les moyens à mettre en œuvre.

Le 10 novembre 2025 à 11h31 : c’est la date symbolique à laquelle les femmes cesseraient symboliquement d’être payées si elles étaient rémunérées au même taux horaire que les hommes, selon l’INSEE. Les femmes gagnent en moyenne 14 % de moins que les hommes à temps de travail égal. Comment réduire un tel écart ?

Depuis l’introduction du principe d’égalité de rémunération dans le Code civil en 1972, pas moins de sept lois (1983, 2006, 2014, 2016, 2018, 2021) se sont succédé pour promouvoir l’égalité professionnelle et lutter contre l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, sans parvenir à résorber cet écart. À tel point, par exemple, que la loi de 2014 a été intitulée « loi visant à promouvoir l’égalité réelle entre les hommes et les femmes » ; l’ajout de l’adjectif « réelle » sonnant comme un terrible constat d’échec des dispositifs précédents.

Cette disparité de niveaux de rémunération est, dans la majorité des cas, une conséquence de la surreprésentation des femmes dans des emplois faiblement rémunérés, d’une répartition inégale de la charge parentale ou de l’absence de transparence sur les rémunérations. C’est sur ce dernier facteur que les entreprises ont, dès à présent, un rôle à jouer.

Une réponse à l’échelle européenne : La Directive égalité et transparence des rémunérations

Face à la persistance des disparités salariales entre les sexes, non seulement en France mais également en Europe, la directive européenne n°2023/970 du 10 mai 2023 rehausse le niveau d’exigence attendu des entreprises en la matière.

En résumé, cette directive impose diverses obligations :

  • Dans le cadre du recrutement : la mention de la rémunération ou d’une fourchette de rémunération dans l’offre d’emploi et l’interdiction d’interroger un candidat sur les rémunérations perçues dans ses emplois antérieurs ;
  • Dans le cadre de la relation de travail individuelle : un droit à l’information sur les critères utilisés pour déterminer la rémunération individuelle et la progression salariale, et sur les niveaux de rémunération moyens selon le sexe et pour les catégories de salariés effectuant un même travail ou un travail de même valeur ;
  • Dans le cadre de l’aspect collectif de la relation de travail : un devoir de compte-rendu sur les écarts de rémunération constatés selon le sexe et les catégories de salariés, en interne comme en externe, en impliquant les représentants du personnel, dont le rôle a été accru. Cette obligation est la seule à n’être applicable qu’à partir de 100 salariés, selon un calendrier et une périodicité prédéfinis en fonction de l’effectif.

Les pays de l’Union européenne ont jusqu’au 7 juin 2026 pour transposer cette directive en droit interne. En France, une concertation est en cours entre le Ministère du travail et les partenaires sociaux et aurait dû aboutir à une transposition des « mesures législatives » d’ici la fin de l’année 2025, avant un travail sur les « mesures réglementaires » au début de l’année 2026. Mais ce calendrier a été bouleversé par l’actualité politique et les changements de gouvernements depuis la rentrée. A ce jour, aucune date n’a été annoncée pour la transposition.

Le bouleversement du calendrier gouvernemental : une occasion pour les entreprises d’être force de proposition sur le sujet ?

Compte tenu du foisonnement législatif existant en France sur le sujet de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes (rappelé plus haut), parachevé en 2018 avec l’index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et, plus largement, des règles autour de l’égalité de traitement et de l’interdiction de la discrimination, les entreprises pourraient considérer que les apports de la transposition ne seront que limités et, ainsi ,être tentées d’attendre la transposition effective de la directive.

Se placer dans une position attentiste serait, à notre sens, une erreur à la fois d’un point de vue de l’efficacité, des risques encourus et son image.

  • Du point de vue de l’efficacité : la mise en conformité peut s’avérer être un processus particulièrement long et impliquant de nombreux acteurs, d’autant plus dans des entreprises ou groupes d’entreprises à dimension internationale. L’anticipation garantira d’être opérationnel au moment où la directive sera transposée ;
  • Du point de vue des risques encourus : le risque principal pesant sur les entreprises concerne les litiges individuels et collectifs encourus si elles ne peuvent pas démontrer l’existence de critères objectifs et non sexistes justifiant les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Les entreprises devront ainsi procéder à des rattrapages salariaux et indemniser les opportunités manquées et le préjudice moral subi. A cela s’ajoute, notamment, les pénalités auxquelles elles peuvent être condamnées ainsi que l’atteinte réputationnelle (« name and shame ») ;
  • Du point de vue de l’image : agir en vertu d’une obligation ou agir de son plein gré renvoient une image diamétralement opposée. Les entreprises doivent se saisir de l’opportunité pour se repositionner sur le marché, montrer qu’elles se soucient du sujet et qu’elles privilégient la transparence. C’est un argument de poids pour attirer et retenir les talents à l’heure où, selon une étude Apec-Nova Terra, 49 % des salariés estiment que les critères de fixation des salaires sont opaques.

Agir ? Oui, mais comment ?

Un certain nombre d’actions devraient dès à présent être mises en place afin d’anticiper les effets de ces nouvelles obligations.

Cela passe par la mobilisation des services RH pour auditer la politique de rémunération actuelle, identifier les écarts existants, déterminer s’ils peuvent être justifiés objectivement et, le cas échéant, mettre en place des mesures correctrices ou, à défaut, anticiper les conséquences financières d’un éventuel rattrapage de salaire.

Les différences de rémunération devront pouvoir être justifiés par des critères objectifs et non sexistes (même si ces critères ne sont pas encore définis, dans l’attente de la transposition à venir), ce qui devrait conduire les entreprises à revoir leur système de classification des emplois et d’évaluation, afin de pouvoir justifier d’une différence de rémunération.

Les entreprises devront également réviser leur politique de recrutement et de progression de carrière afin de garantir leur clarté et leur objectivité.

L’aspect technologique est également à prendre en considération afin de garantir l’accessibilité des salariés aux données et de faciliter le traitement interne des demandes d’information.

Toutes ces pratiques ne pourront être mises en œuvre efficacement qu’en s’assurant notamment de la sensibilisation et de la formation des managers et de l’équipe RH au sens large à ces enjeux : plus que jamais, la complaisance ou le manque de courage dans les évaluations pourront avoir des effets dévastateurs.

Nous ne pouvons donc qu’inviter grandement les entreprises à se saisir du sujet car les salariés, eux, n’hésiteront pas à mettre en œuvre leurs nouveaux droits, à l’image de la multiplication des actions en rappel de congés payés pendant les périodes d’arrêt maladie, en application de la loi du 22 avril 2024.

A propos de l’auteur : Laurent-Paul Tour, avocat associé en droit social, EY Société d’Avocats.

Laurent-Paul Tour est avocat associé en droit social chez EY Société d’Avocats. Il est diplômé de Sciences-Po Paris et titulaire d’une maîtrise en droit des affaires de l’Université Paris X – Nanterre.

Avocat inscrit au Barreau des Hauts-de-Seine, Laurent exerce plus particulièrement dans le cadre des transformations et restructurations d’entreprise, ainsi que dans des opérations d’acquisition, de cession ou de fusion. Il intervient régulièrement aux côtés de groupes étrangers afin de les assister dans le pilotage de leurs enjeux RH et juridiques en France et dans le monde.

Laurent-Paul Tour

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